dimanche 9 août 2009

pré-publication de "Ecouter, jouer, créer"

En attendant l'édition de l'essai : "Ecouter, jouer, créer" vous pouvez l'acheter ici en souscription pour vingt euros au format pdf. Pour connaitre les modalités adressez votre demande à l'adresse : laborchestre@yahoo.fr
deux éditions sont prévues : française et japonaise

While waiting for the publication of my essai: "Ecouter, jouer, créer" (in french) you can buy it here in subscription for twenty euros (pdf format). To know the condiditions send your request here : laborchestre@yahoo.fr
two editions are planned : french and Japanese

vendredi 2 janvier 2009

Le LabOrchestre - extrait de "Ecouter, jouer, créer"

© Jean-Louis Agobet - 2008
laborchestre@yahoo.fr

Le LabOrchestre

Orchestre, entité protéiforme qui recouvre tant de réalités différentes, selon les temps ou les lieux.
[Alain Louvier]
Tout corps sonore mis en œuvre par le compositeur est un instrument de musique.
[Hector Berlioz]

n.b : vous ne trouverez pas les illustrations dans cette édition de l'article.

Lorsque l’on travaille avec des groupes, plus ou moins grands, on est très vite confronté à un problème délicat, celui de l’instrumentarium, de la source sonore. S’il est possible de s’adapter, sur la base d’objets et petits instruments divers, il serait idéal de disposer d’une structure pérenne, basée par exemple sur le modèle de l’orchestre symphonique classique.
J’ai été étroitement lié à deux grandes formations symphoniques françaises, comme compositeur, mais aussi (et parfois surtout) dans le domaine éducatif ; l’Orchestre National de Montpellier et l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg (OPS).
Le travail avec l’orchestre, ma pratique de celui-ci comme compositeur, l’observation des pupitres, la participation des enfants aux répétitions générales et aux concerts éducatifs ainsi qu’une bonne centaine d’ateliers m’ont amené à réfléchir à une transposition du modèle orchestral dans l’objectif de nos ateliers et de ce qui nous occupe ici, la créativité sonore.
Pour bien comprendre cette démarche et son cheminement il est nécessaire de faire référence à deux expériences, très différentes et parfaitement complémentaires : Est-ce que vous êtes prêts ? et l’Enfant Orchestre, deux projets menés à Strasbourg, avec l’OPS, entre 2003 et 2005.
Sans entrer dans les détails, les deux projets ont donné naissance au LabOrchestre dont il est question ici, du moins dans ses grandes lignes et objectifs.

2003, en charge d’un projet éducatif, je décide de confronter l’orchestre symphonique traditionnel avec un orchestre d’enfants (entre 7 et 11 ans), tous issus d’un quartier difficile de la ville de Strasbourg. Pendant mon travail, je n’ai pas remarqué que le quartier était particulièrement difficile, je dirai plutôt qu’il était abandonné, mais c’est un autre débat – il faudra y revenir car cela permet d’illustrer le fait indéniable que tout le monde peut avoir accès à cette approche du sonore et du musical pour peu, évidemment, que l’on se donne le mal de la proposer (partout) !
Au début du travail, nous avons mis en place des groupes (cinq), avec chacun un instrumentarium spécifique, constitué d’instruments et objets existant, qu’il soit à vocation pédagogique (instrumentaruim Baschet , peaux, métaux) ou pas (sachets en plastiques, objets divers, …).
Chaque groupe a dû non seulement jouer, mais composer collectivement sa « partie » (il ne s’agit pas d’improvisation), composition élaborée à partir de leurs propositions, et non des miennes. Chacun a puisé dans sa culture, ses goûts, ses envies musicales pour élaborer une partition de quelques minutes pour tout le groupe. C’est capital, car cela permet de s’approprier le projet, de ne pas simplement être acteur, mais de mettre un peu de soi et de s’impliquer totalement. Jamais pendant le travail, je n’ai entendu la moindre remarque critique ou le moindre rejet de quelque forme musicale que se soit. Bien au contraire, une envie et une curiosité sans cesse renouvelée, ce qui nous a permis d’aborder un très large éventail de questions musicales, autour des instruments et leurs techniques, des formes, des styles, de l’acoustique, …
Enfin, tous les groupes se sont réunis pour créer un grand ensemble d‘environ cent « musiciens ». J’ai pour ma part composé une partition en contrepoint de chacun des morceaux composés par les groupes, pour une formation symphonique professionnelle d’une centaine d’instrumentistes également. Cette partition a pour objectif d’accompagner les groupes qui vont interpréter successivement, mais sans interruption, leurs compositions.
C’était une première approche du projet LabOrchestre, en tout cas une étape nécessaire. Chaque groupe joue à son tour et dans le final une courte section tutti conclut la pièce. Il n’y a donc pas réellement interaction entre les groupes, mais entre les groupes qui sont dans une configuration soliste, et l’effectif de l’orchestre symphonique.

Il est remarquable de voir à quel point chaque groupe étant impliqué dans un projet global, a pris conscience de son importance et de celle des autres, par une écoute absolument concentrée et une réactivité parfaite. Il y a là un embryon de ce que va devenir le LabOrchestre. Une deuxième expérience à permis d’affiner l’idée et de poser les bases du projet futur.
Il s’agissait cette fois-ci de créer de toutes pièces un véritable orchestre, réparti en pupitres, devant être une relecture de l’orchestre symphonique et de ses familles instrumentales (cordes, bois, cuivres, claviers, percussions) par cinq groupes d’enfants.
Ils ont donc constitué un instrumentarium original (dans tous les sens du terme), parfois dérivé des instruments eux-mêmes, parfois totalement inventés. Mais c’est surtout la prise de conscience de jouer dans un groupe, du collectif qui a été remarquable dans ce projet – intitulé « l’Enfant Orchestre » - réalisé avec la participation du pianiste François-René Duchâble et du comédien Alain Carré.
Cette fois, le matériau musical à la base du travail est extérieur, je veux dire par là que, à la différence du projet précédent j’ai imposé les éléments de départ. En effet la présence d’un pianiste soliste (F-R Duchâble), devenant soliste de cet orchestre inédit, m’a semble être le dispositif idéal à la relecture du concerto, dans sa forme ; opposition en un soliste et un groupe, et dans son répertoire, ce qui avait le grand intérêt de permettre aux enfants de fréquenter cette musique.
J’ai donc choisi des extraits de concertos allant de Bach à Ravel (en passant par Chopin, Rachmaninov ou Grieg). Il a fallu ensuite réaliser un montage de ces fragments pour obtenir une pièce d’une vingtaine de minutes constitué d’une multitude de petits morceaux de concertos.
L’étape suivante, après la conception de l’instrumentarium et le montage du concerto à été la réalisation de l’accompagnement, penser les « sections d’orchestre », entre les parties de piano ou se superposant aux parties de piano. Il est assez remarquable de voir comment les enfants se sont appropriés des langages totalement éloignés de leur culture musicale. Il on réalisé un objet totalement inatendu, unique, curieux et surprenant.

Voici donc en quelques lignes les deux projets menés dans cet objectif du LabOrchestre. Il faut maintenant en faire la critique et formaliser un outil qui, bien qu’issu de ces expériences exceptionnelles ne soit pas là pour reproduire des projets difficilement réalisables hors du contexte même où ils ont été pensés.

Dans les deux cas, il faut noter que les projets ont été réalisés sur la durée (plusieurs mois à raison de plusieurs ateliers par mois). Or, le LabOrchestre doit être une structure pouvant accueillir des groupes d’enfants pour un atelier de quarante cinq minutes ! et produire un résultat loin du simple divertissement mais issu d’une activité créative et éducative.
Par ailleurs, comment intégrer la part de « composition » sur une si petite durée (ou même sur des ateliers plus longs), il n’est pas envisageable de se limiter à des ateliers d’improvisation collective, passionnants, mais ne répondant pas exactement à la démarche engagée ici.
Enfin, quel instrumentarium type peut permettre de commencer au bout de quelques minutes à produire un travail organisé et stimulant pour l’ensemble du groupe, selon deux critères essentiels : pouvoir être joué sans formation préalable et proposer une grande variété de couleurs sonores ? Voici quelques réponses.

Commençons par la dernière question, préalable aux autres, l’instrumentarium, avec deux contraintes fortes. Il ne peut être question d’apprentissage préalable, de virtuosité, en proposant l’accès direct, libre, à un instrument sans technique particulière et sans rapport (a priori) à d’autres instruments connus, même si la référence à l’orchestre est très présente dans la répartition en pupitres. L’enfant doit savoir jouer de l’instrument simplement en le regardant, avant même de le toucher.
Mais aussi, nous avons besoin d’une grande variété de timbres, d’une vraie richesse sonore, offrant variété d’intensité et de dynamique à base de gestes simples (frapper, frotter, secouer, …).
Gardons à l’esprit le lien avec l’orchestre classique, qui reste notre modèle dans la conception de ce projet. Cinq pupitres, cinq familles de timbres, cinq groupes de sons.

Pour chaque pupitre, il s’agit d’orientations, il n’y à pas d’instrumentarium totalement fixé, chaque dispositif doit avoir sa nature propre dans le champ du descriptif ci-dessous.
Gardons à l’esprit que chaque pupitre doit être facilement indentifiable et reconnaissable par son caractère sonore propre et l’ensemble doit créer, par combinaison des instruments à travers les pupitres, une grande richesse sonore, et donc avoir une grande variété de timbres.

1-Cordes : tous les registres présents, résonances longues et courtes, complexité et richesse harmoniques, diversité de modes de jeux.
Instruments : cithares, instruments monocordes (particulièrement pour le registre grave), cadre horizontal (métal ou bois) avec cordes (métal, plastique, …) tendues, instruments à percussion résonants avec prégnance harmonique par exemple récipients de grande taille en verre, rins .

2-bois : petits instruments à vent, bambous, percussions à résonances boisées, privilégiant les sons doux, tubes divers (PVC, bois, papier, cartons …)

3-Cuivres (métaux) tôles diverses, boîtes métalliques, tubes, …
4-Claviers : Instruments à plusieurs tiges, plaques ou lames produisant des échelles, non identiques sur le même type de timbre. Boîtes métalliques de formes identiques et de tailles diverses échelonnées, log drum (tambours de bois) à 4, 6 ou 8 tons.

5-Percussions : du grave profond (fûts en plastique ou métal, grand ressort vertical au son très grave et à la résonance très longue) aux aigüs extrêmes (fines tiges de métal), toute la palette de sons brefs ou résonant dont les sonorités peuvent être modifiées en fonction du type de baguettes ou tout autre objet excitateur utilisés.

A la lecture de cette ébauche d’instrumentarium, nous sommes toujours plus ou moins, et à quelques exceptions près, dans le monde de la percussion. Mais c’est dans la qualité du son résultant et non dans le mode de production qu’il faut chercher des analogies avec notre modèle de référence ; l’orchestre symphonique classique.
Pour souligner ce choix (totalement délibéré) de référence à l’orchestre, il faudra (mais aussi parce que cela va considérablement faciliter le travail) répartir les groupes instrumentaux sur ce même modèle. Il ne s’agit pas de coller exactement à la topographie de l’orchestre, mais notre LabOrchestre doit en reprendre les grandes lignes, également dans les proportions des pupitres les uns par rapport aux autres.
Cela veut dire que le nombre de cordes sera plus important que le nombre de percussions. Il faut imaginer un vaste ensemble de cent postes, un dispositif de cent instruments ou set d’instruments et donc de cent musiciens. Nous proposons la répartition suivante :

-50 cordes (divisés en cinq groupes de dix)
-15 bois
-15 cuivres
-10 claviers
-10 percussions

Cela est évidemment modulable, mais il faut sans doute respecter les proportions quel que soit le nombre de postes.
La position des groupes doit être également calquée sur le modèle orchestral, bien connu :



Cependant, il est aussi important de pouvoir imaginer des répartitions antiphoniques ou spatiales. L’espace est un paramètre exploitable uniquement dans des configurations instrumentales développées. Nous ne l’avons pas abordé dans la première partie mais il pourra sans doute être au centre d’un ou plusieurs ateliers du LabOrchestre.

Il faut apporter une précision importante sur l'origine et la nature des instruments. Rien n’est fixé une fois pour toute, le LabOrchestre n’est pas un modèle rigide, il doit intégrer aussi bien des instrumentarium existants, les structures baschet ou des éléments de l’instrumentarium fuzeau, mais aussi des instruments totalement inventés, depuis des matériaux bruts ou de récupération jusqu'à leur conception complète. Il faut absolument privilégier le son plutôt que «l’objet instrument » lui-même.

Aborder la composition dans le cadre du LabOrchestre.

Comment, au cours d’un atelier unique, donc de courte durée, aborder la composition, ou pour être plus précis, aller vers autre chose que l’improvisation collective ? Le challenge est important car dès la découverte des instruments vos musiciens vont être attirés par l’instrument plus que par votre projet de structurer une séquence dans la durée de l’atelier.

Ne parlez pas composition, organisation, structures, vous n’avez pas le temps, parlez gestes. S’il ne semble pas possible de véritablement composer une séquence, c’est-à-dire un va et vient entre le sonore et l’écrit afin de prendre conscience de la structure et de son évolution dans le temps, il est possible de proposer une visualisation par gestes successifs. Précisons, il faut impérativement (comme toujours) préparer dans le détail la séance. Il faudra préparer des gestes instrumentaux, sous une forme graphique et tenter de les réaliser à l’aide de divers dispositifs instrumentaux. Il faudra prévoir un catalogue de gestes, répartis par catégories, décrivant soit un événement, soit un profil*.
Nous proposons ici quelques exemples :

Il faudra ensuite que le groupe imagine l’articulation entre ces divers gestes afin de créer une séquence nouvelle à partir d’éléments pré-determinés. Cela, outre le travail de réflexion individuelle, va développer l’écoute collective. L’animateur doit faire en sorte à tout moment de reprendre, analyser, catalyser les idées des uns et des autres afin de les illustrer au plus vite pour immédiatement créer des liens entre les pupitres dans cette coopération vers un objectif commun. En effet, chacun cherchera avec ses moyens instrumentaux la meilleure méthode de réalisation d’un geste, d’une figure. Au début individuellement, puis il faudra mettre en relation les uns et les autres, préciser les rôles et écouter, s’écouter soi-même et écouter les autres, être critique enfin sur le résultat. Il est donc possible de travailler réellement sur une courte durée, sur une ou deux séances, mais c’est dans la durée, la répétition, que ce dispositif va s’avérer précieux.
Il est également très difficile d’aborder le principe de polyphonie sur une très courte durée. La superposition des couches sonores crée la richesse. Déjà sur une séance, ces couches apparaîtront naturellement par les décalages du même geste ou même profil, cependant c’est dans le cadre d’un travail sur le long terme qu’il sera possible véritablement de composer le son avec le LabOrchestre.


Créer ensemble, la naissance d’un répertoire.

C’est donc l’objectif qui animera les sessions sur la durée, sous la forme de stage de quelques jours ou encore sur un projet d’une saison entière.
Si les premiers contacts seront finalement sur cette même approche par gestes, il faut très vite structurer le travail vers l’organisation (et l’écriture, la représentation graphique) de séquences. Le but sera de créer un objet sonore défini, une pièce, qu’il faudra scrupuleusement noter (cf. partie 1) pour pouvoir être réjouée, d’une séance à l’autre, d’un groupe à l’autre, en un mot interprétée. Mais comment ?

Si comme l’a dit Igor Stravinski (c’est bien évidemment discutable, mais là n’est pas notre propos) : «la musique est impropre à exprimer quoi que se soit », elle peut cependant raconter quelque chose, pas une histoire dans son déroulement narratif, mais sa propre histoire, interne, organique. Le son peut être le personnage de sa propre histoire. Du reste, la composition n’est-elle pas schématiquement la mise en relation dynamique des éléments sonores dans le temps ? Alors, nous pouvons le faire en partant d’un point commun, d’une idée simple, la plus simple possible.

Commencer avec une idée simple est souvent garant de la réussite, en effet le point de départ n’est rien d’autre que le point de départ ! Il faut lui donner vie par les chemins empruntés. Prenons le point [.] (Rappelez-vous, un son court, sec, non résonant) par exemple, notre idée, maintenant, réfléchissons (ensemble) à ce que ce point peut devenir , doit devenir dans le déroulement de notre travail. Se multiplier, se démultiplier, dans la régularité ou l’irrégularité et la superposition de couches associant les deux attitudes. La vitesse est un élément déterminant, en accélérant exagérément un son bref on obtient un continuum proche … de la ligne, puis progressivement par association d’idée, de timbre au sein du LabOrchestre, vont naître de nouvelles textures nous amenant vers de nouveaux territoires, en cherchant, tâtonnant aussi, ensemble, vous allez très rapidement prendre conscience qu’une toute petite chose peut vous mener très loin.
Mais pour aller loin, il faut être bien équipé. Prévoyez qui fera quoi, comment, quand. Notez, au vue de tous et avec des couleurs différentes pour chaque pupitre son rôle, en précisant toujours la nuance appropriée, … très vite vous allez être confronté à des partitions très complexes et d’une grande richesse. Cela va constituer le répertoire de base de votre travail.



Rejouer, interpréter, re-créer en somme le travail d’un groupe avec un autre est une immense satisfaction, car si c’est une re-lecture il en reste le squelette, la structure interne. Nous sommes donc bien dans un travail de mémoire et de répertoire, créer et développer un répertoire c’est donner vie et ouvrir des perspectives à un tel projet.
Certes, cet exemple, le point comme modèle, reste limité sous certains aspects. S’il est possible d’imposer votre configuration initiale, faites-en sorte de toujours partir de propositions des enfants, et de toujours les tester. Trouvez toujours les bons gestes (physiquement, avec vos bras, vos mains) pour réaliser et valider ces propositions. Il est impossible ici de décrire ces gestes, il n’y à pas de règles, il faut inventer ses codes, les renouveler.

Vous l’avez compris le LabOrchestre est un laboratoire de composition, de recherche sonore, mais aussi et surtout un lieu d’écoute active et de prise de conscience de l’interactivité et de l’entente réciproque des groupes. L’objectif créatif doit être toujours visé, recherche et travail doivent produire un résultat, il ne faut jamais en rester au cheminement, il faut aller quelque part. La LabOrchestre est aussi un work-in-progress, il doit se nourrir des expériences de musiciens, compositeurs, pédagogues, pour se développer et devenir un modèle. Chacun pourra y contribuer sur un site internet consacré à cette part du travail.

A ce stade, et par ce que nous venons de décrire en détail le LabOrchestre, il faut aussi apporter quelques réflexions sur la pédagogie du groupe. Il faut être attentif à cette question, qui peut agir tant d’un point de vue positif que négatif sur le travail.
Schématiquement, on imagine que l’individu peut aider le groupe, pas que le groupe peut aider l’individu !
Le groupe, c’est un fait, agit sur l’individu, par le dynamisme, l’énergie qu’il porte en lui et il faut l’utiliser. Mais il peut aussi, de par l’exposition d’un individu au regard (au sens premier) du groupe, être tout le contraire. Il faut aussi noter, c’est encore un fait et cela à été souligné précisément par Arlette Biget , que l’élan provoqué par le groupe peut éliminer toute substance dans le travail et anéantir les objectifs. Il faut être très vigilant de ce point de vue.
Généralement, on parle de pédagogie de groupe dans le cadre de cours collectifs ayant un objectif individuel. C’est ce que l’on trouve fréquemment dans le domaine des études instrumentales. C’est pourquoi il est plutôt question ici de pédagogie du groupe, lui même constitué d’individus.
Il n’est donc pas question de la problématique d’un individu par rapport au groupe, mais des individus dans le groupe.
En effet, il s’agit de produire du son ensemble, c’est à dire d’ouvrir son oreille, sa conscience aux autres tout en existant et en produisant soi-même. Et c’est tout la difficulté, la recherche d’une homogénéité dans un groupe (d’individus, encore), être UN dans un ensemble.
L’homogénéité naît, non pas de l’uniformité mais de la complémentarité – c’est cela dont nous parlons et qu’il faut travailler en termes pédagogiques – née elle-même de la valeur individuelle et des associations de valeurs (c’est ainsi que l’on désigne un orchestre !). Il y a donc interdépendance.
Revenons au travail concert ; l’animateur est un coordonateur, pas un modèle. Il doit percevoir les individualités, les compétences, les envies et les organiser. Il n’y a pas fondamentalement de rapport enseignant/enseigné.
Nous pouvons presque faire un lien avec le travail de Roger Caillois et sa classification des jeux, qui place l’individu dans une situation qui suppose un type de rapports à l’extérieur, aux autres, non habituel. Il ne faut pas, pour répondre à ces critères, reproduire un environnement social connu.
La competition, le hazard, la recherche du vertige, le simulacre
Nous sommes dans ces cas de figure. Pour le moins, c’est dans cet esprit qu’il faut travailler. Mais il ne faut pas aller trop loin dans cette « comparaison » avec la classification de Caillois, retenons juste que par cette intrusion dans le travail d’un sociologue, nous pouvons échapper aux normes de la vie sociale et ainsi éviter de créer des nœuds, bloquant cette créativité que nous recherchons sans cesse.


Pour conclure, provisoirement, sur le LabOrchestre et le travail de groupe, gageons que la mise en place de tels dispositifs dans des établissements scolaires, écoles de musique, orchestres et plus largement lieux de culture ouverts au jeune public, donnera un élement extraordinaire à nos propositions. Pour peu que dans d’autres domaines, tels que les arts plastiques ou le théâtre ou bien la danse dans tous ses styles et expressions, des liens puissent se créer avec le LabOrchestre, le son, la créativité sonore, le musical, prendra toute sa place au sein des actions de sensibilisation des institutions éducatives et culturelles et creéra un lien fort entre chacun de ceux qui y aurons trouvé le plaisir unique de faire ensemble.

Un dernier point ; incontestablement, lorsque qu’il trouve sa place dans le milieu scolaire, le travail des ateliers de créativité sonore (comme bien d’autres activités artistiques), a un impact sur les enfants et leur scolarité.
La concentration, la capacité d’écoute, l’estime de soi, un certain goût pour le travail et la rigueur s’en trouvent très nettement améliorés.
Pourquoi ? Sans doute par ce que l’on devient réellement actif et acteur et que cela est incomparable. Il n’y a pas de passivité pendant le travail, les sens sont en alertes et il y a une réelle prise de conscience que ce que l’on fait influence le résultat Visiblement.
Nous en avons déjà parlé, et vous l’aurez compris ; l’écoute (précisons ; la faculté auditive d’entendre, mais aussi la capacité à être attentif, vigilant), est totalement sous-estimée en temps normal. Combien d’heures de classe, où la concentration et l’attention doivent être de mise, se déroulent dans le bruit !
Prenons pour simple exemple et nous l’avons tous vérifié : une phase d’écoute active, d’attention préalable, c’est à dire en préparation d’un travail, permet d’être totalement disponible pour ce travail.

L’acquisition des ateliers est aussi à ce niveau. Etre prêts, c’est anticiper, et il faut impérativement anticiper pour produire un son, tout comme il faut anticiper pour percevoir, analyser, comprendre, retenir une notion. Nous reproduisons naturellement cette disposition autant que besoin, pour peu d’avoir appris à produire cet état en nous servant de nos oreilles, en écoutant activement, ce qui décuple notre capacité de réception des informations (sonores ou explicites) et notre raisonnement.

Posez la question aux enseignants, à même de le dire, d’expérience. Les enfants musiciens, donc rompus à l’écoute active, sont nettement plus ouverts et réceptifs.